Un bâtiment au coeur de l’histoire
Le club de la Rotonde devenu temple protestant à Arles
Visite-conférence effectuée par Odile Caylux le 1/2/2025 dans le cadre des activités proposées par les AST (association des Amis de Saint-Trophime).
L’actuel temple protestant est l’ancien club de la Rotonde. Ce grand et beau bâtiment à l’architecture néo-classique a été construit en 1790, donc dans les premières années de la Révolution française. Il était destiné à être un lieu de loisirs et de divertissements pour la bonne société arlésienne.
Son histoire a été en fait mouvementée et recoupe des moments importants de l’histoire d’Arles, en ce qui concerne la société, l’urbanisme, la religion.
La localisation de la Rotonde
En 1790, les fondateurs du club de la Rotonde choisissent de faire construire leur établissement de sociabilité et de loisirs sur la bordure sud de la ville qui est pour peu de temps encore toujours en partie entourée de remparts.En 1785, Louis XVI avait autorisé le commencement de la destruction des remparts qui donnaient sur le Rhône. Cette destruction continua en 1793-94 pendant les évènements révolutionnaires.
A cette époque, la Lice (boulevard des Lices aujourd’hui) a encore un tracé assez irrégulier et elle est bordée de jardins.
Elle a été prolongée vers la Roquette dans les années 1680, puis, dans cette partie-là, plantée de tilleuls quelques décennies après. De l’autre côté, en direction des Mouleyrès, le tracé de la Lice n’est rectifié qu’à partir de 1780.
Le nouveau bâtiment sera placé devant l’esplanade du Marché neuf au sud de laquelle il n’y a à cette époque que deux grands bâtiments, l’hôpital de la Charité et le couvent des Carmélites qui ont été construits au milieu du XVIIe siècle.
La Rotonde se trouvera entre deux lieux fortifiés : la grande porte monumentale du Marché neufCette porte qui se trouvait à l’entrée de la rue du Président Wilson actuelle a été démolie en 1876. Devant cette porte se trouvait un ravelin (fortification en forme de V) visible sur la carte dessinée par N. de Quiqueran de Beaujeu en 1743, et peut-être encore en place en 1790. construite au début du XVIIIe siècle et décorée d’une sculpture représentant Louis XIV à cheval, et le bastion de Digne Selon les textes, la Lice porte parfois aussi l’appellation de « boulevard de Digne », peut-être en souvenir d’un évêque de Digne qui vécut à Arles au XVIe siècle.positionné devant le passage vers la place du Marché (aujourd’hui place de la République).
Juste à côté de ce bastion se trouve à ce moment-là un grand et beau bâtiment carré, orné de vastes terrasses, qui abrite le club du Waux-hall, dont nous n’avons aucune image. Celui-ci a été bâti en 1769 par l’architecte François Franque (1710-1793), fils de Jean-Baptiste Franque (1683-1758)Belle dynastie d’architectes avignonnais, membres de l’Académie royale d’architecture, qui a travaillé dans toute la région et a construit des œuvres majeures comme l’église Notre-Dame-des- pommiers à Beaucaire. A Arles, nous devons à Jean-Baptiste Franque la construction de l’hôtel Bouchet de Faucon (ancien CCAS), rue Aristide Briand. François Franque, lui a travaillé avec son père puis a fait une partie de sa carrière à Paris où il est mort en 1793. Le Waux-Hall est donc une de ses toutes dernières œuvres., à l’initiative d’un groupe d’aristocrates qui se sont inspirés du modèle anglais pour créer ce cercle de nobles
Vue d’Arles en 1803 dessinée par Pierre Véran, Médiathèque d’Arles
Le contexte historique arlésien (1789-1790)
Lorsque la convention concernant la construction de la Rotonde est signée en juin 1790, la ville connait depuis plus d’un an, comme partout en France, une grande agitation due aux évènements révolutionnaires.
Le choix des députés des trois ordres pour la réunion des Etats généraux au printemps 1789 a donné lieu à de nombreux débats et contestations. En particulier, les artisans ont revendiqué haut et fort le droit de participer à l’administration communale.
Le 15 février 1790, Pierre-Antoine d’Antonelle, l’« aristocrate révolutionnaire » que l’historien Pierre Serna a longuement étudié, est élu Maire d’Arles.
La ville connait régulièrement l’effervescence des défilés et des manifestations populaires.
D’ailleurs, juste à côté de l’endroit choisi pour cette construction, s’est déroulé le 16 mai sur la Lice, devant la porte du Marché neuf, un grand diner patriotique de 1000 couverts, dans un décor grandiose comprenant trois arcs de triomphe et un cabinet de verdure orné de laurier.
L’historien et archéologue Pierre Véran, témoin des évènements et contre-révolutionnaire, raconte avec ironie :
« A mesure que MM. Les commissaires du roi et corps de ville défilaient, les convives prenaient place de sorte que les premiers eurent dîné à demi avant que ceux qui devaient faire les honneurs de la table furent assis. 10 à 12 minutes furent à peine écoulées que plus de 500 plats furent dévorés et qu’on vit voler dans les airs les plats, les assiettes et les bouteilles. Les pauvres se jetèrent sur la table… ».
D’après lui, les personnalités repartirent le ventre vide et « les farandoles commencèrent… ».
Le 12 juillet 1790, la Constitution civile du clergé bouleverse (ici comme ailleurs) le monde religieux arlésien : l’archevêché va être supprimé et le clergé doit prêter le serment civique. Le nombre de prêtres réfractaires à Arles est important dans un contexte de grande violence entre les défenseurs de la Religion et les anticléricaux.
Le 14 juillet, l’anniversaire de la prise de la Bastille est fêté avec enthousiasme. C’est la fête de la Fédération.
A partir de ce moment-là, le parti des Chiffonistes (royalistes) et celui des Monnaidiers (révolutionnaires), vont s’affronter violemment, prenant le pouvoir tour à tour dans une suite d’évènements de plus en plus radicalisés.
Pourtant, les membres fondateurs du futur club de la Rotonde n’hésitent pas, dans l’été 1790, à se lancer dans le projet d’une grande et couteuse construction et à investir des sommes importantes pour créer un établissement de loisir. En 1791, dans son journal « Le phénomène », J.H. Bonasse indique qu’un des motifs de ce chantier aurait été de donner du travail aux ouvriers arlésiens.
Histoire mouvementée d’un bâtiment exceptionnel
Ce sont 40 personnes dans un premier temps qui vont s’associer et lancer l’opération, à laquelle 60 autres vont bientôt s’adjoindre.
Cela commence en mars 1790 par l’achat de deux maisons : celle où se réunissaient deux associations de métiers, la Chambre des Antonins (comprenant des artisans) et celle des Marchands, associée récemment à la précédente, et la partie appartenant à un M. Delorme, dans le but de les démolir pour en utiliser la « plateforme ».
Des membres dissidents du Waux-hall font partie de la société fondatrice et en ont certainement été à l’initiative. Cela devient la société des Cent qui est constituée en avril 1790, chaque membre devant acheter une action de 300 L.
En juin, donc, la convention signée permet d’engager les travaux. Le devis est de 30 000 L et sera largement dépassé. Un emprunt important est fait auprès de la famille Croze de Lincel.
La première pierre est posée en septembre.
L’architecte choisi est Jacques Loison
(1725-1811), de Nîmes.
On ne sait pas ce qui a motivé ce choix, Loison n’étant apparemment pas connu à Arles.
Les recherches de Bruno Matéos dans les actes d’état civil ou notariaux permettent de savoir qu’il est né à Saint-Aubin de Luigné, au sud-ouest d’Angers. Son père était tailleur de pierre. A 30 ans, il se marie à Nîmes, où il est donc venu s’installer.
Dans les divers actes, il apparaît ensuite comme maître-maçon, entrepreneur, mais c’est aussi un compagnon tailleur de pierre qui porte le surnom de « Lapalme » : en 1771, il a fourni une pierre de marbre pour les fonts baptismaux de l’ancienne église Saint-Paul de Nîmes. Il meurt dans cette ville à l’âge avancé de 86 ans. Dans son acte de décès, il apparaît comme « ancien maçon ».
Nous y reviendrons plus loin, la grande qualité de l’architecture de la Rotonde témoigne d’un beau savoir-faire que ces titres divers ne laissent pas paraître. Nous avons, dans les archives, le nom des maîtres-maçons arlésiens très compétents qui ont travaillé à ce chantier sous les ordres de Loison.
Il s’agit de Gaspard et Antoine Rousty père et fils, Mathieu Bouyer, Pierre Lavandet, Jean Fanton, Antoine Vidal, Pierre Payan et Jean-Baptiste Moulard.
Plan de la Rotonde réalisé par Jacques Van Migom, architecte des Monuments historiques
On entre
dans la société des Cents
par cooptation.
Début 1792, alors que la construction du bâtiment se termine, il est décidé d’accepter 17 adhérents supplémentaires (dont plusieurs nobles). En effet, le livre de comptes des années 1807-1814, au moment où la société se dissout et où on solde les comptes, montre qu’il y a alors 117 membres.
On y note quelques noms de nobles appartenant aux grandes familles arlésiennes : Du Roure, Meyran-Lacetta, Chiavary-Cabassole, Eymini, Saint-Martin.
Il y a un bon nombre de médecins, notaires, avocats, procureurs, négociants.
On trouve également un orfèvre, un horloger, un confiseur, un prêtre, un instituteur et même une femme, la veuve Clarion.
Des noms connus, de la bourgeoisie arlésienne, apparaissent : Truchet, Doutreleau, Seignoret, Robolly, Balechou, Estrangin, Fassin…
Dans ce livre de comptes, la profession des membres n’est pas toujours indiquée, ce qui ne permet pas de faire de statistiques.
Le but initial de cette société est de rassembler des « gens de bon commerce des états nobles et bourgeois » … pour profiter des « douceurs de la société ».
Huit commissaires sont nommés pour éditer un règlement interne qui doit mettre en exergue les notions d’ordre et de décence.
Ce règlement, fait en 1792, est imprimé à 200 exemplaires. Le bureau, renouvelé tous les ans, comprend 4 syndics, 4 syndics semainiers qui s’occupent de l’organisation des séances, 4 auditeurs des comptes, 1 trésorier, 1 secrétaire-archiviste.
Il n’y a pas de trace dans les délibérations municipales d’une autorisation pour l’implantation de la Rotonde, alors qu’il y en avait eu une pour le Waux-Hall en 1769, avec l’obligation de payer un loyer de 24 L par an pour l’occupation du terrain.
Dans les salles de la Rotonde,
les principales activités prévues sont les jeux, les bals, les banquets, donc des activités de loisir.
On joue aux cartes (boullote, brelan, piquet), aux dés (tric-trac). Les jeux de hasard sont interdits.
Pour les banquets, il y a à une cuisine à côté de la grande salle du bas.
Ce fonctionnement initial dure sans doute peu car il est perturbé très rapidement par les évènements révolutionnaires. En 1792, l’association de la Rotonde prend le nom de Cercle patriotique.
Pierre Véran raconte que le club de la Chiffonne y organise des réunions, ses locaux se révélant trop petits.
A propos des bals, on trouve dans le dialogue fictif entre Fochinier et Musée, écrit par P. Véran, qui décrit les lieux intéressants d’Arles :
« Cette Rotonde est si spacieuse que j’y ai compté dans une fête plus de 120 personnes et j’y ai vu danser 5 contre-danses à la fois en 1796 dans une fête donnée au général Willote qui fut quelque temps après nommé Représentant du peuple ».
La façade du bâtiment, lors des fêtes, est décoré de lampions de couleur, ce qui attire la foule.
Dessin anonyme représentant un bal à la Rotonde vers 1830, Médiathèque d’Arles
En mars 1792,
les monnaidiers aidés par une troupe marseillaise chassent (provisoirement) les chiffonistes du pourvoir.
Ils s’en prennent à tous les symboles royalistes et détruisent le Waux-Hall, synonyme d’aristocratie.
La Rotonde est bien sûr très menacée mais sa situation, contre le bâtiment de la Convalescence des hommes, la protège.
Des saccages importants sont cependant commis à l’intérieur, le grand escalier est détruit, les rampes et les balcons en fer enlevés.
Le lieu sert un moment de dépôt d’armes mais reprend ensuite, sans doute irrégulièrement, des activités festives.
Les archives montrent qu’en 1803, l’association existe toujours et tente de se réorganiser. Mais elle est très endettée, l’emprunt fait aux Croze de Lincel n’a pas été remboursé, les membres ne paient pas leurs cotisations depuis plusieurs années.
De plus, le bâtiment est en très mauvais état : le sol et les murs sont dégradés, les fenêtres sont sans vitres, il n’y a plus de poignées ni de serrures aux portes etc.
Des réparations importantes sont faites pour pouvoir y organiser à nouveau des réunions.
On décide alors de vendre des meubles aux enchères pour financer ces travaux, dont des armoires, des tables de jeux, des sofas, des tableaux…
Un inventaire réalisé à ce moment-là cite des services complets de vaisselle en faïence blanche, de l’argenterie (couverts), des chandeliers en étain, des ustensiles de cuisine en cuivre (2 poissonnières, des casseroles), des nappes, des serviettes, et des meubles dont 2 tables à piquet garni de vert et des jeux (loto, ballote etc.)
Grâce à cet inventaire, on a une idée du décor : Il y a des grands rideaux (la couleur n’est pas mentionnée) mais aussi des petits rideaux en coton à carreaux rouges et blancs, d’autres verts et blancs.
En 1806, les dettes n’étant toujours pas payées, l’affaire passe devant le tribunal de Tarascon avec des poursuites et des saisies contre les principaux membres.
L’expropriation est décidée ainsi que la vente aux enchères qui a lieu en 1812 au profit de deux personnes, MM. Dégut et Poirier.
Le lieu est alors utilisé régulièrement comme salle de bal et théâtre.
Le journal Le publicateur indique qu’en 1835 on y joue « La Marraine » et « Pecheul l’empailleur ». Les bals ont lieu le jeudi.
On trouve aussi qu’il y a une fête masquée en 1839, avant une nouvelle vente du bâtiment.
Enfin, en 1859 Max Vautier,
architecte, membre de la commission permanente de l’Eglise Réformée, achète la Rotonde (ce sera plus tard une société civile) pour en faire un lieu de culte, au prix de 40 000 F, grâce à un emprunt et à des souscriptions.
Celle de La solidarité méridionale protestante apporte 15 000 F.
Des donateurs de France et d’Europe y participent.
Avant d’arriver à la Rotonde la communauté protestante se réunissait dans deux locaux successifs, rue du Dr Fanton, le second ayant été installé solennellement en 1846.
A partir de 1856, il y eut également à cet endroit une école protestante pour les garçons, puis une s’ouvrit pour les filles.
Durant ces années, la communauté protestante s’agrandit avec l’arrivée d’ouvriers cévenols, souvent protestants, venus travailler pour les ateliers ferroviaires.
En 1859 donc, l’Eglise réformée d’Arles
s’installe à la Rotonde. Les deux écoles y sont transférées en 1860 et 1867, le poste officiel de pasteur est créé ce qui fait l’objet d’une délibération municipale.
Le premier pasteur est Polydore Vesson. Il y aura ensuite le pasteur Salles (de 1872 à 1897) qui deviendra célèbre à cause de sa correspondance avec Théo Van Gogh à propos de son frère Vincent, hospitalisé en raison de ses troubles mentaux.
A cette époque, la Rotonde est louée à la communauté protestante par la société civile qui la possède.
Dans les années 1860, la municipalité semble un peu réticente à cette installation très visible sur le boulevard principal de la ville.
Le maire, Etienne Meiffren Laugier, baron de Chartrouse (1804-1877), demande que l’entrée se fasse par la rue de la Rotonde. On bouche les grandes portes côté sud et on y ouvre des fenêtres à la place.
Le perron est détruit à ce moment-là. L’ensemble sera réouvert et réaménagé en 1968.
Ensuite, des tractations laborieuses ont lieu pendant des années, en particulier avec le petit-fils de Max Vautier, Théodore Vautier, et avec les différents partenaires, les parts de la société étant passées dans d’autres mains au gré des héritages et des nombreuses cessions.
Enfin le 29 juillet 1922, a lieu la vente définitive du bâtiment par la société civile de la Rotonde à l’Eglise réformée d’Arles au prix de 70 000 f.
Si des travaux d’entretien sont régulièrement effectués, c’est en 2001 qu’à lieu une importante campagne de restauration, dont le nettoyage des façades au micro-sablage.
Pendant des décennies, une boutique fut installée au niveau de la rue, d’abord une poissonnerie puis un lieu de vente de billets de loto
Une architecture de très belle qualité
Le bâtiment de la Rotonde est construit sur un terrain en pente s’inclinant vers le sud), à la limite de l’enceinte de la ville. De ce fait, la façade sud est plus haute et plus imposante que celle du côté nord.
Depuis le boulevard des Lices, cette façade impressionnante, très structurée, contrastée, présente trois niveaux. Il y a d’abord un socle qui porte un escalier à deux volées, plus récent que le reste du bâtiment. Ensuite le niveau principal est orné de pierres en bossage et comporte trois grandes ouvertures en plein cintre. Leurs arcs sont composés de grands claveaux réguliers et les deux portes latérales sont surmontées d’un fronton triangulaire. C’est l’entrée sud de l’édifice.
Au-dessus, en retrait et moins large, le niveau supérieur comporte deux étages. Celui du bas présente deux portes fenêtres en plein cintre au centre et deux autres, ornées d’un fronton triangulaire, à droite et à gauche. Il est bordé par une grande terrasse à la balustrade en pierre. Cette terrasse est soutenue en façade par des corbeaux peu espacés et très apparents.
Le second étage comporte quatre ouvertures dont deux portes fenêtres donnant sur un balcon orné d’une rampe en fer forgé. Moins massive, cette partie du bâtiment est surmontée par un grand fronton triangulaire à modillons qui prend toute la largeur.
Cette grande façade sud ne laisse en rien deviner la grande salle en rotonde qu’elle abrite.
Façade sud de la Rotonde sur le boulevard des lices
Façade nord, sur la rue de la Rotonde
D’un style identique, la façade nord reprend le même choix d’éléments de décor. Le rez-de-chaussée est traité en bossage, avec en son centre une grande porte en plein cintre aux claveaux espacés et accentués, qui a l’allure d’une entrée principale. Sur la partie inférieure de ce niveau, il y a deux ouvertures à gauche de la porte et deux à droite. Juste au-dessus, on observe les quatre fenêtres carrées d’un entresol qui n’a pas d’ouvertures côté sud. Au premier étage, se trouvent cinq portes fenêtres en plein cintre (une est murée), semblables à celles de la façade sud.
Le deuxième étage s’ouvre par cinq fenêtres rectangulaires. Le tout est surmonté par une forte corniche à modillons.
Tout en haut du bâtiment est perché un petit belvédère.
La surprise se trouve à l’intérieur. Si on y pénètre côté nord par la grande porte, on est accueilli directement de plein pied dans un vestibule de taille modeste mais décoré de six fortes colonnes engagées à chapiteaux doriques. L’accès à la salle principale se fait en descendant quelques marches qui nous rappellent la déclivité naturelle du terrain. On découvre alors la magnifique salle en rotonde qui était destinée à accueillir les activités de loisir du club. Outre l’art de la stéréotomie poussé à un grand degré de perfection, les dimensions de la salle (14 m de diamètre), l’élégance des proportions, la blondeur de la pierre en font un exemple d’architecture particulièrement remarquable.
La salle est ornée de seize élégantes colonnes ioniques couplées par deux, en pierre de Beaucaire, qui soutiennent un imposant entablement à la frise lisse et à l’architrave orné de denticules, de petites feuilles d’eau et oves très joliment sculptés. La corniche est surlignée de feuilles d’eau plus grandes, sur deux épaisseurs. Elle forme un large rebord sur lequel on pouvait placer des lampions.
Tout autour de la salle, des bouges (petits réduits ouverts) permettaient d’installer des tables de jeu.
Détail des colonnes ioniques et de l’entablement
La voûte plate appareillée, de belle facture également, est dotée d’élégantes lunettes dont quatre s’ouvrent, côté sud, pour la lumière.
Très belle salle donc, à la forme et au volume accueillants, conçue pour recevoir agréablement la société aisée arlésienne pour des bals et autres festivités.
A côté de cette salle, se trouvait la cuisine. On peut regretter, bien sûr, que le grand escalier d’origine, qu’on peut imaginer doté d’une belle rampe en fer forgé, ait été détruit. Celui qui le remplace conduit d’abord à l’entresol, où, dans un réduit, une lucarne permet d’observer la salle.
Au-dessus, l’étage noble prévu également pour accueillir les membres et les activités de loisir du club d’origine, comprend une grande salle donnant sur la terrasse, et des salons qui ont conservé en partie leur décor raffiné. Le dernier étage abrite des pièces plus petites.
L’ensemble de ce beau bâtiment, classé à l’inventaire des monuments historiques en 1945, compose une oeuvre architecturale très élaborée et équilibrée, caractéristique du style néo-classique.
Parmi les monuments qui ont pu l’inspirer, citons les quarante-sept octrois que l’architecte Claude-Nicolas Ledoux a construit sur les barrières de Paris entre 1784 et 1790.
Il reste six de ces bâtiments aujourd’hui (dont la Rotonde de la Villette), où l’on retrouve le même type de décor que celui de la Rotonde arlésienne.
Rotonde de la Villette
Le club des Cents et leur architecte ont donc fait en 1790 le choix d’une architecture de qualité, tout à fait dans le gout de l’époque.
Les aléas de l’histoire en ont modifié l’usage en le transformant au milieu du XIXe siècle en temple protestant, fonction qui est toujours la sienne aujourd’hui.
Sources
Manuscrits M 295, M 631, M 903, M 773, 2417, Fonds patrimoniaux de la Médiathèque d’Arles.
Registres délibérations municipales BB 37, BB 54,55,56, D 1, D 2, Archives communales d’Arles.
Archives départementales du Gard : AD30-OO106.
Registres d’état civil de Nîmes.
Bulletin AVA n° 72, sept 1990 : La sociabilité arlésienne à l’époque révolutionnaire : La Rotonde par Dominique Serena.
Publication Eglise réformée du Pays d’Arles, 2002 : Histoire de la Rotonde par Max Vesson.
La Révolution arlésienne, catalogue d’exposition, Museon arlaten, 1989.
Pierre Serna, Antonelle, aristocrate et révolutionnaire, Actes sud, 2017.
Daniel Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, Paris, éd. du Patrimoine, 2005.

