Le couvent des Trinitaires
40 rue de la République, propriété communale et propriétés privées.
Localisation
Le couvent des Trinitaires se trouve dans le centre ville d’Arles, dans le quartier de la Cité, entre l’ancien collège des Jésuites (aujourd’hui Museon arlaten) et l’ancien hôtel-Dieu (actuel Espace Van Gogh).
Historique
Les origines médiévales
Le fondateur de l’ordre des Trinitaires, saint Jean de Matha (1160-1213), qui revenait de Rome où il avait rencontré le pape Innocent III pour obtenir l’approbation de sa règle, serait passé par Arles (entre 1191 et 1198 ?). Il aurait rencontré l’archevêque Imbert d’Ayguières (évêque d’Arles de 1191 à 1202) qui lui aurait donné l’autorisation de fonder un couvent dans la ville.
La première implantation, d’abord modeste, des religieux trinitaires à Arles date de 1198 dans le quartier du Marché neuf, avec une simple chapelle orientée est-ouest. Le terrain leur avait été donné par l’archevêque Imbert. Ce terrain était vaste puisqu’il allait, vers l’est, jusqu’à l’actuelle rue des Carmes et, au sud, au delà des murs de la ville. Plus tard, les consuls prirent une partie de leur jardin pour creuser les fossés de la ville et indemnisèrent les pères.
En 1203, les religieux firent construire une église (orientée est-ouest), un cloître et un cimetière.
Les textes mentionnent au XIVe siècle qu’il y avait dans le monastère un hôpital pour les pèlerins. Existait-il avant ?
Il dura plusieurs siècles puisqu’une épitaphe (transcrite en 1800 par l’historien Pierre Véran cf M 793 f° 69) était encore visible dans les bâtiments au XVIIIe siècle :
« Ci-git honnorable homme Jean Benoit, vivant bourgeois de Nancy en Lorraine, lequel décéda ici en ce lieu venant de la terre Sainte en l’année 1613. Priés Dieu pour son ame ».
L’hôpital fut ensuite intégré dans l’hôtel-Dieu Saint-Esprit voisin.
Les bâtiments de l’époque moderne
Le clocher de l’église fut construit en 1594 avec un décor en pointe de diamant.
Au début du XVIIe s., le couvent était devenu « fort petit et ruineux ». En 1606, le révérend père Guillaume fit allonger l’église.
Mais ces travaux n’améliorèrent pas suffisamment l’édifice et en 1620, débuta le projet de l’édification (laborieuse) d’une nouvelle église et d’un nouveau couvent, le prix-fait de la construction ayant été donné le 18 février 1630. La première pierre de l’église fut posée par les consuls le 24 du même mois, jour de la fête de saint Mathias. La nouvelle église (orientée nord-sud) reçut le vocable « de la Trinité et de Saint-Roch » comme en faisait foi l’inscription gravée sur une plaque de plomb qui fut enchâssée dans la première pierre.
L’inscription qui figurait sur la porte de l’église (voir transcription dans le manuscrit M 793 f° 68) rappelle que cette construction répond à un vœu fait l’année précédente, en 1629, lors de l’importante épidémie de peste qui sévit dans la ville. Ce nouveau bâtiment intégra l’ancien clocher bâti en 1596 (disparu aujourd’hui).
En 1633, les consuls donnèrent aux Trinitaires une somme de trois cents livres pour les aider à continuer les travaux. Ils firent installer dans le sanctuaire un banc de noyer à leur usage, comme celui qu’ils avaient dans la cathédrale.
La construction de l’église occasionna la destruction de l’aile est du cloître.
En 1640, une partie de la voûte de l’église s’effondra et dut être rebâtie. En 1672, d’autres bâtiments furent construits : réfectoire, cuisine, salle capitulaire, petit salon.
En 1679, Louis d’Aube de Roquemartine, prévôt de l’église d’Arles (puis évêque de Grasse), finança une partie de la construction d’un parloir.
Une chapelle Saint-Roch, dont la construction avait commencé juste après la peste de 1721, fut terminée en 1733, avec l’aide d’une subvention de trois cents livres donnée par les consuls.
L’une des missions principales des religieux trinitaires était le rachat des captifs. Pour Arles, Pierre Véran signale de nombreux legs faits à cette intention, et les grandes processions mises en scène à travers la ville. Une en particulier eut lieu en 1785 avec trois cent treize esclaves rachetés à Alger et présentés enchaînés deux par deux par des chaînes d’argent, conduits par un enfant habillé « à la turque ».
Les destructions de la Révolution
L’argenterie et les meubles du monastère furent vandalisés en 1791, pendant la Révolution. L’église, le clocher et les bâtiments furent vendus aux administrateurs de l’hôtel-Dieu. En 1794, un maçon cassa à coups de marteau la sculpture représentant la Sainte Trinité qui figurait sur le portail de l’église. Les bâtiments du couvent furent presqu’entièrement détruits.
Les différentes affectations des XIXe et XXe siècles
Au XIXe siècle, les destructions continuèrent avec celles des cellules des moines en 1832. La démolition du cloître eut lieu en 1879. Le cloître fut intégré à l’hôpital et un bâtiment fut construit au centre et réservé pendant quelques années aux militaires, en lien avec la caserne d’infanterie d’Arles. Ce bâtiment fut détruit en 1986, en prévision de l’installation de la médiathèque côté sud du cloître.
Des cellules pour les aliénés furent aménagées côté ouest et on dit que Van Gogh y fut enfermé, mais il est possible que leur installation soit postérieure au séjour de Van Gogh à Arles (1888-1889).
L’église, elle, fut rattachée à l’hôpital en 1832 et reçut diverses affectations au cours de décennies. Des magasins s’y trouvaient jusque dans les années 1990, le bâtiment étant loué par l’hôpital à qui il appartint jusqu’en 2005. À cette date, il fut cédé à la ville d’Arles.
Mais d’importants vestiges du cloître et de bâtiments du couvent subsistent encore dans les maisons voisines.
Aujourd’hui, l’église est un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine et une salle d’exposition temporaire.
Description architecturale
Des bâtiments conventuels enserrés dans l’ancien hôtel-Dieu et les maisons privées
Les bâtiments du couvent des Trinitaires ont été englobés à partir du XVIe siècle dans ceux de l’hôtel-Dieu Saint-Esprit auquel les religieux durent d’ailleurs vendre des terrains pour permettre sa construction. De ce fait, même si l’église est visible dans sa quasi-globalité (sauf les chapelles latérales, prises dans la construction de maisons particulières construites après la Révolution), l’ensemble du couvent et les bâtiments conventuels (d’ailleurs en partie détruits) sont difficilement lisibles dans le tissu urbain d’aujourd’hui.
Heureusement, le préau du cloître a été conservé et est aujourd’hui un jardin, gardant donc une partie non négligeable de l’emprise au sol du couvent.
Une église de style gothique tardif
L’église présente une grande nef de style gothique tardif avec un chœur polygonal surmonté d’une voute d’arête ouverte à sa base par trois oculus. Au fond du chœur se trouvent de grandes armoiries de la famille Perrin de Jonquières. Et en haut de l’arc triomphal, celle de la ville d’Arles. La nef compte quatre travées délimitées par les piliers de retombée des arcs doubleaux. Elle ne comporte pas aujourd’hui de chapelles latérales, celles-ci étant incluses dans les maisons voisines. Dans la nef, d’anciens autels intégrés dans les murs latéraux sont conservés.
Une partie du mur gouttereau ouest et le côté ouest du chevet sont bien visibles depuis le jardin du cloître. Le reste du chevet se trouve maintenant dans la salle principale de la médiathèque.
Des vestiges des chapelles latérales dans les maisons voisines
Dans l’agence Para, rue président Wilson, on trouve une voûte d’ogive qui appartenait à la chapelle Saint-Fiacre, dans la boutique de chaussures voisines, les éléments d’arcs ogivaux de la chapelle Sainte-Rustique.
Des arcs doubleaux et une voûte en arc de cloître sont conservés dans une boutique de décoration, juste à côté. Ils faisaient partie de la chapelle Notre-Dame.
La façade nord de l’église, côté rue de la République, a été entièrement refaite en 1889 par l’architecte arlésien Auguste Véran. De style éclectique, elle présente en son centre une grande fenêtre à croisillons et fronton inspirée de la Renaissance, qui est surmontée de l’emblème de l’hôtel-Dieu, l’Agneau de Dieu.
La façade est encadrée par deux forts chaînages en bossages. La porte monumentale, à grands claveaux est en plein cintre. Le tout est surmonté par un grand fronton rectangulaire.
Les vestiges du cloître
Le cloître qui jouxte l’église côté ouest se composait d’une série d’arcs en plein cintre bordés d’un tore épais. Il comportait un étage dont la toiture était portée par des petites colonnes à chapiteaux simples.
On en voit précisément l’emprise au sol dans le jardin actuel dans le jardin actuel. Une partie importante de la galerie est, avec sa voûte composée de croisées d’ogives, est visible dans le restaurant « Le jardin des Arts », rue de la République. D’autres éléments gothiques se trouvent dans le magasin de fleurs, mitoyen (ainsi qu’une plaque de marbre) et dans le magasin de bijoux voisin. Les arcades en plein cintre de la galerie nord se lisent sur les façades sud des maisons construites au XIXe siècle.
Dans deux maisons mitoyennes (XIXe siècle) de l’église donnant sur la rue président Wilson, il reste des voûtes d’ogive appartenant à l’ancien couvent.
Sources :
M 793, Fonds patrimoniaux de la Médiathèque d’Arles
Baudat (Michel), Arles, ville sainte. Les églises célèbres et oubliées, Actes sud, 2002.
Boyer (Jean), L’architecture religieuse à Arles à l’époque classique, Bulletin des AVA n° 49, 1983.
Du Port (Gilles), Histoire de l’église d’Arles, Paris, 1690.
Rouquette (Jean-Maurice), L’établissement des Trinitaires à Arles au XIIIe siècle, Mémoire complémentaire de DES, Aix-en-Provence, 1954.
Rouquette (Jean-Maurice), Arles, histoire, territoires et culture, Actes sud, 2008.
Sintès (Claude) et autres, Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Arles, Tours, 1990.
Stouff Louis, Arles à la fin du Moyen Age, université de Provence, 1986.
Trichaud (Jean-Marie), Histoire de la Sainte Eglise d’Arles, Paris, 1864.